1763 - Mémoire manuscrit de l'Abbé Cotelle (Bureau d'Agriculture d'Angers)

Photos de l'original (4 pages)
 

Transcription
 
Les textes originaux ont été délibérément transcrits en français moderne pour l'orthographe, l'accentuation, la ponctuation et l'utilisation des majuscules.


Messieurs

Un citoyen éclairé, un patriote zélé pour le bien public, Mr Bourgelat, Ecuyer du Roy, a établi à Lyon depuis peu d'années une école vétérinaire pour instruire ceux qui se destinent à cette profession dans les principes de cet art si intéressant pour le bien Général et l'Agriculture. Le prospectus de cet établissement a été répandu dans tout le Royaume, il vous a été addressé ainsi qu'à tous les bureaux qui composent les Sociétés d'Agriculture des différentes Généralités. La France, plusieurs provinces, plusieurs villes, et de paroisses même, se sont empressés d'envoyer à leur frais des élèves a cette école. Mr Les intendants de Dauphiné, de la Picardie, de Moulins, d'Auvergne, de Limousin, les villes de Chalon sur Saône, d'Aussonne, de Nancy, la province de Bresse l'ont été les premiers qui sentant l'utilité de cet établissement et les avantages qui en pouvaient resulter pour la conservation du bétail, la principale ressource des cultivateurs, ont donné l'exemple du zèle qui doit enflammer tout bon patriote en faisant le choix de plusieurs sujets en état d'acquérir les connaissances de l'économie animale qu'ils ont envoyés à cette école vétérinaire dont la célébrité s'étend de jour en jour. Le succès a repondu a leur attente; plusieurs Généralités ont été attaquées depuis quelques années du même fléau qui commance a pénétrer dans notre province et qui jette la consternation dans toutes les campagnes circonvoisines. Les éleves ont été distribués dans les différents cantons affligés de cette maladie épidémique. Les connaissances qu'ils avaient acquises, les soins qu'ils se sont donnés pour connaitre la nature et le genre de la maladie, les remedes qu'ils ont ont appliqués avec certitude pour opérer leur guerison ont eu tout l'effet qu'on pouvait désirer. Tous les differents bestiaux qu'ils ont [2] entrepris ont été guéris, aucun entre leurs mains n’a peri. Les intendants, les villes et les paroisses n'ont pu s'empêcher de rendre une justice publique a l'utilité de cet établissement. Ils ont fait éclater leur reconnaissance en recompensant les éleves, et en remerciant personnellement Mr Bourgelat des soins qu'il s'est donné pour les former. L'Académie des sciences de Paris lui a donné un témoignnage authentique du cas qu’elle faisait des connoissances et d’un établissement aussi utile pour la patrie en le nommant correspondant de cette Académie. Le Roi lui-même toujours attentif à recompenser le mérite des sujets de son Royaume qui s’occupent du bien public l’a gratifié d’une pension et a voulu que cette ecole fut decorée du titre d’Ecole Royale Vétérinaire : tous ces faits sont consignés dans les ouvrages périodiques.

Pourquoi, Messieurs, des vues si patriotiques ne trouveraient-elles pas des imitateurs, pourquoi notre province dont le bétail est une des principales et une des plus grandes ressources ne suivrait-elle pas l’exemple qu’elle a sous les yeux ? La maladie qui se répand dans plusieurs cantons de l’Anjou sur les bêtes à cornes, les progrès qu’elle peut faire, la nature du mal qui peut s’augmenter et occasionner une mortalité sur cet espèce de bétail, ce fléau qui peut se renouveller en d’autres lieux, toutes ces considérations ne sont-elles pas autant de morifs assez pressants pour déterminer la Société d’Agriculture de cette généralité a chercher des moyens pour procurer aux trois provinces qui la composent les mêmes avantages dont jouissent actuellement celles du Royaume que je viens de citer ? Vous connaissez, Messieurs, les zèle et le patriotisme de Mr Lescalopier intendant de cette Généralité ; il vient de nous donner une preuve éclatatante de son amour pour le bien public dans les sages précautions qu’il a prises pour que la maladie qui règne actuellement ne se communiquât point ; il a indiqué les remèdes les plus prompts et les plus efficaces pour prévenir les accidents et dissiper le fléau, peut-être n’attend-t-il que l’invitation [3] de la Société pour le déterminer a envoyer des élèves a cette école ; nous avons tout lieu d’espèrer que les bureaux de Tours et du Mans se joindront à nous avec empressement pour solliciter ce témoignage de son amour pour les trois Provinces qui composent sa Généralité qu’il a cherché dans tous les temps à favoriser de sa bienveillance et à appuyer de son crédit. Empressons-nous donc de lui porter nos désirs et le vœu de tant d’infortunés cultivateurs que la perte de leur bétail réduirait à la plus cruelle mendicité. Nous trouverons dans la bonté de son cœur les secours que nous réclamons : il sait lui-même, et nous n’avons que trop souvent la douleur d’en être témoins dans nos campagnes, que des gens sans principes et sans connaissances ont la témérité d’entreprendre la guérison des bestiaux. Ces charlatans en imposent ordinairement par quelques noms de maladies que d’autres charlatans aussi bornés qu’eux leur auront transmises. L’ignorance et le préjugé ne permettent pas à ceux qui les consultent de pouvoir les contredire. Peu versés dans la connaissance et l’économie animale, ils prescrivent a tort et à travers des remèdes dont ils ne connoissent ni la nature ni les propriétés, échos des imposteurs qui les ont précédés et instruits. Ils abusent comme eux de la confiance aveugle du cultiateur, lui font payer fort cher les remedes qu’ils ont adminsitrés sans connoissance de cause, et ne parviennent que trop souvent à faire périr des bestiaux que des gens plus instruits auraient souvent guéris.

Des instructions, établies sur l’expérience des connaissances acquises dans une école aussi célèbre que l’Ecole Royale Vétérinaire, previendraient ce désordre que nous ne pouvons trop déplorer.

Ces deux élèves pour chaque province qui seraient choisis par les bureaux suffiraient lorsqu’ils auroient été instruits dans leur art pour remplir notre objet et procurer à chacune des trois provinces les secours que nous réclamons. La dépense de chaque élève pour l’instruction et pour la nourriture [4] n’est que de quarante livres par mois (corrigé en quatorze), ainsi la dépense totale pour les six sujets serait à peine de cent pistolles. Ces mêmes élèves une fois instruits seraient en état de former d’autres sujets qui se répandraient dans les différents cantons des trois provinces pour être plus à portée des procurer des services et des soulagements aux bestiaux. Cette dépense une fois faite n’aurait plus besoin d’être renouvellée par l’attention qu’auraient les bureaux de veiller à l’instruction des nouveaux élèves qui, encouragés par le Ministre, tourneraient toute leur attention à voir cette branche de l’agriculture, abandonnée malheureusement aux imposteurs, … (illisible). La modicité de la somme, l’utlité du projet, les avantages qui en résulteraient, seraient pour nous des titres qui feront agréer notre juste demande et qui détermineront Monsieur notre intendant à entrer dans les vues que la Société lui proposera.


Pour copie : Cotelle Doyen de St Martin (d’Angers), faisant les fonctions de Secrétaire (du Bureau d’Agriculture d’Angers)