Photos document original (6 pages)
Lettre adressée par Turgot, alors Intendant du Limousin, à Ducluzel, Intendant de Tours, au sujet de la création de l'école vétérinaire de Limoges en janvier 1766. Archives départementales d’Indre et Loire, C358.
Cette lettre est accompagnée de l'avis de création de cette école (datant du 1er janvier 1766).
Transcription (orthographe moderne)
A Paris, le 23 juillet 1767
Vous me faites l'honneur de me demander, Monsieur et cher confrère, par votre lettre du 3 juin dernier, comment et dans quelle ville j'ai fait l'établissement d'une école vétérinaire, quelle en a été la première dépense, quelles sont les dépenses annuelles, sur quels fonds le tout a été pris, en quel nombre sont ceux qui sont à la tête de cette école, quel en est le régime et enfin si le nombre des élèves est considérable.
Pour répondre en détail à toutes ces demandes, je vous dirai d'abord que je m'adressai à M. De Bourgelat, chef de l'académie de Lyon qui me procura un sujet fort instruit, et capable d'instruire les élèves.
Je formai cet établissement dans la ville de Limoges, capitale de ma généralité, tant pour l'avoir [2] sous mes yeux que parce que cette partie de ma Généralité abonde plus en bestiaux que l’Angoumois et le Bas Limousin et que les secours devaient se trouver à leur portée.
La première dépense fut l’acquisition d’une maison spacieuse pour fournir le logement du directeur, des salles pour les assemblées et pour les dissections, une pharmacie, un laboratoire, une forge, des livres, un jardin pour la botanique, un pré pour y envoyer les bestiaux malades. Tous ces objets… y compris les réparations ou nouveaux bâtiments qu’il a fallu faire montent à vingt mille livres.
Les dépenses annuelles sont d’environ 3600# savoir 1200# pour le professeur et le directeur, 900 pour le maréchal, 160 pour le portier, 200 pour les prix, environ 900 pour la pension et l’entretien de six élèves, le reste pour les achats des drogues, des sujets pour disséquer, et d’autres frais indispensables [3] dont les dépenses varient. Mais je ne pense pas que le total excède jamais cette somme de 3600#.
Les premières dépenses d’achat des fonds et des réparations ont été prises sur l’excédent de capitation. A l’égard des dépenses annuelles, M. Bertin m’a fait espérer 2000# par an, mais ce secours n’a point encore été payé, et la province jusqu’à présent a tout supporté.
Le Sr. Le Blois ci-devant élève de M. Bourgelat est chargé de la direction générale, des démonstrations et de toutes les dépenses, le Sr. Mirat, ancien élève de l’école vétérinaire de Lyon, est le chef de forge, et chargé des ….
M. Bourgelat, Directeur et inspecteur des écoles vétérinaires du Royaume envoie à tous les chefs ses instructions ainsi que le règle (?) et l’ordre que chacun doit observer dans son district.
Les élèves demeurent tous chez un entrepreneur [4] chargé de les loger, nourrir et blanchir moyennant 14# par mois, ils doivent avoir une livre de viande par jour et du pain à discrétion, ce pain est moitié froment et moitié seigle passés, mais la cherté des denrées de toute... survenue depuis deux ans doit faire craindre ne veuille plus s'en charger à ce prix.
Il se distribue 200# par an en différents prix qui se donnent à ceux qui ont le mieux fait au concours dans des assemblées publiques qui se tiennent deux fois l'année. J'ai fait jouir les élèves de l'exemption de la milice, ils ne sont point d'ailleurs à la charge de la province, à l'exception de ceux qui obtiennent cette distinction par la supériorité de leurs progrès en conséquence de la promesse que j'ai faite dans l'avis imprimé que je joins à ma lettre. Les autres élèves paient leur pension à leurs dépens, ou aux dépens des villes et communautés de la [5] province qui veulent payer la pension d'un élève.
Le nombre n'en est malheureusement pas considérable et il a même diminué, plusieurs s'étant dégouté de ce travail, m'avait fait espérer des élèves des provinces voisines qui ne sont point venus, en sorte que cet établissement est assez languissant.
Je dois répondre à la confiance que vous me témoignez en vous parlant avec franchise, l'utilité de cet établissement en (lui) même ne saurait être douteuse, mais je crains bien d'avoir fait une faute en formant celui de Limoges. Je n'espère pas que le nombre des élèves puisse être jamais proprotionné à la ne dépense de l'établissement, à moins que les provinces voisines ne se chargent de l'entretien de ceux qu'elles y feront instruire. L'expérience m'a fait voir que ce cours d'études est trop long et trop couteux pour que des hommes qui se proposent d'exercer la médecine uniquement pour les animaux veuillent faire une pareille avance. Ceux qui seraient en état de la faire aimeraient mieux étudier tout simplement la chirurgie [6] qui leur présente un moyen de gagner beaucoup plus sur. On ne peut donc compter que sur les élèves entretenus au dépens du public, et alors c'est inutile de multiplier les écoles. En envoyant les élèves pour lesquels on serait tenté de former des écoles particulières dans des écoles déjà existantes, la province épargnerait les frais de nouvel établissement.Je vous avoue qque si j'étais à recommencer, je n'hésiterais pas à me borner à envoyer quelques élèves aux écoles d'Alfort et de Lyon qui sont très bien montées. Je suis fâché d'avoir fait cette réflexion trop tard, mais vous êtes à temps d'en profiter, à éviter une faute que j'ai faite.
Je profite avec plaisir de cette occasion de vous assurer du sincère et respectueux attachement avec lequel j'ai l'honneur, Monsieur et cher confrère, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé: Turgot.
Lettre adressée par Turgot, alors Intendant du Limousin, à Ducluzel, Intendant de Tours, au sujet de la création de l'école vétérinaire de Limoges en janvier 1766. Archives départementales d’Indre et Loire, C358.
Cette lettre est accompagnée de l'avis de création de cette école (datant du 1er janvier 1766).
Transcription (orthographe moderne)
A Paris, le 23 juillet 1767
Vous me faites l'honneur de me demander, Monsieur et cher confrère, par votre lettre du 3 juin dernier, comment et dans quelle ville j'ai fait l'établissement d'une école vétérinaire, quelle en a été la première dépense, quelles sont les dépenses annuelles, sur quels fonds le tout a été pris, en quel nombre sont ceux qui sont à la tête de cette école, quel en est le régime et enfin si le nombre des élèves est considérable.
Pour répondre en détail à toutes ces demandes, je vous dirai d'abord que je m'adressai à M. De Bourgelat, chef de l'académie de Lyon qui me procura un sujet fort instruit, et capable d'instruire les élèves.
Je formai cet établissement dans la ville de Limoges, capitale de ma généralité, tant pour l'avoir [2] sous mes yeux que parce que cette partie de ma Généralité abonde plus en bestiaux que l’Angoumois et le Bas Limousin et que les secours devaient se trouver à leur portée.
La première dépense fut l’acquisition d’une maison spacieuse pour fournir le logement du directeur, des salles pour les assemblées et pour les dissections, une pharmacie, un laboratoire, une forge, des livres, un jardin pour la botanique, un pré pour y envoyer les bestiaux malades. Tous ces objets… y compris les réparations ou nouveaux bâtiments qu’il a fallu faire montent à vingt mille livres.
Les dépenses annuelles sont d’environ 3600# savoir 1200# pour le professeur et le directeur, 900 pour le maréchal, 160 pour le portier, 200 pour les prix, environ 900 pour la pension et l’entretien de six élèves, le reste pour les achats des drogues, des sujets pour disséquer, et d’autres frais indispensables [3] dont les dépenses varient. Mais je ne pense pas que le total excède jamais cette somme de 3600#.
Les premières dépenses d’achat des fonds et des réparations ont été prises sur l’excédent de capitation. A l’égard des dépenses annuelles, M. Bertin m’a fait espérer 2000# par an, mais ce secours n’a point encore été payé, et la province jusqu’à présent a tout supporté.
Le Sr. Le Blois ci-devant élève de M. Bourgelat est chargé de la direction générale, des démonstrations et de toutes les dépenses, le Sr. Mirat, ancien élève de l’école vétérinaire de Lyon, est le chef de forge, et chargé des ….
M. Bourgelat, Directeur et inspecteur des écoles vétérinaires du Royaume envoie à tous les chefs ses instructions ainsi que le règle (?) et l’ordre que chacun doit observer dans son district.
Les élèves demeurent tous chez un entrepreneur [4] chargé de les loger, nourrir et blanchir moyennant 14# par mois, ils doivent avoir une livre de viande par jour et du pain à discrétion, ce pain est moitié froment et moitié seigle passés, mais la cherté des denrées de toute... survenue depuis deux ans doit faire craindre ne veuille plus s'en charger à ce prix.
Il se distribue 200# par an en différents prix qui se donnent à ceux qui ont le mieux fait au concours dans des assemblées publiques qui se tiennent deux fois l'année. J'ai fait jouir les élèves de l'exemption de la milice, ils ne sont point d'ailleurs à la charge de la province, à l'exception de ceux qui obtiennent cette distinction par la supériorité de leurs progrès en conséquence de la promesse que j'ai faite dans l'avis imprimé que je joins à ma lettre. Les autres élèves paient leur pension à leurs dépens, ou aux dépens des villes et communautés de la [5] province qui veulent payer la pension d'un élève.
Le nombre n'en est malheureusement pas considérable et il a même diminué, plusieurs s'étant dégouté de ce travail, m'avait fait espérer des élèves des provinces voisines qui ne sont point venus, en sorte que cet établissement est assez languissant.
Je dois répondre à la confiance que vous me témoignez en vous parlant avec franchise, l'utilité de cet établissement en (lui) même ne saurait être douteuse, mais je crains bien d'avoir fait une faute en formant celui de Limoges. Je n'espère pas que le nombre des élèves puisse être jamais proprotionné à la ne dépense de l'établissement, à moins que les provinces voisines ne se chargent de l'entretien de ceux qu'elles y feront instruire. L'expérience m'a fait voir que ce cours d'études est trop long et trop couteux pour que des hommes qui se proposent d'exercer la médecine uniquement pour les animaux veuillent faire une pareille avance. Ceux qui seraient en état de la faire aimeraient mieux étudier tout simplement la chirurgie [6] qui leur présente un moyen de gagner beaucoup plus sur. On ne peut donc compter que sur les élèves entretenus au dépens du public, et alors c'est inutile de multiplier les écoles. En envoyant les élèves pour lesquels on serait tenté de former des écoles particulières dans des écoles déjà existantes, la province épargnerait les frais de nouvel établissement.Je vous avoue qque si j'étais à recommencer, je n'hésiterais pas à me borner à envoyer quelques élèves aux écoles d'Alfort et de Lyon qui sont très bien montées. Je suis fâché d'avoir fait cette réflexion trop tard, mais vous êtes à temps d'en profiter, à éviter une faute que j'ai faite.
Je profite avec plaisir de cette occasion de vous assurer du sincère et respectueux attachement avec lequel j'ai l'honneur, Monsieur et cher confrère, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé: Turgot.