1770, 21 Décembre - Lettre de Bourgelat à Ducluzel

Photos du document original (5 pages)
 

Lettre de Bourgelat, Inspecteur général des écoles royales vétérinaires à Ducluzel, Intendant de Tours
 

Transcription (orthographe moderne)
 

Paris le 21 Décembre 1770

Sans une indisposition assez grave, Monsieur, ma réponse aurait suivi de près la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser. Rien sans doute ne m'intéresse aussi vivement que le sort des bon élèves qui sortent de nos écoles pour se retirer dans leurs provinces et pour par des services utiles tout ce qu'ils leur doivent. Aussi ne saurais-je vous toute la reconnaissance que m'inspirent vos dispositions avantageuses à leur égard.

Vous envisagez pour eux deux partis: l'un de prendre de l'emploi chez des seigneurs pour le gouvernement de leurs écuries; l'autre de s'établir dans les villes de la Généralité qui a contribué à leur éducation. Le premier, Monsieur, leur est absolument interdit; ils appartiennent incontestablement à Messieurs les Intendants; ils sont absolument à leurs ordres. Mais j'en entrevois un troisième qui est celui d'une expatriation [
2] extérieure lorsque l'emploi de leurs talents est totalement infructueux pour eux. Nous en avons déjà eu des exemples: plusieurs qui ne pouvaient subsister chez eux ont passé chez l'étranger et y ont fait une espèce de fortune qui malheureusement connue des autres a fait naitre la même idée à quelques uns. J'ai arrêté ceux-ci et lorsque j'ai vu qu'en effet ils habitaient un pays où ils ne pouvaient faire aucun usage de leur savoir et où ils n'auraient aucun profit, je les ai attachés aux écoles pour en tirer du moins un parti quelconque.

Quoiqu'il en soit, l'art vétérinaire embrassant le soin et le traitement de tous les animaux malades ou en santé, vous avez pensé avec raison qu'une de ses parties est la maréchalerie. Dans cet état, il est certain que les enfants des maréchaux trouvant tous un établissement formé par leurs pères doivent être moins embarassés que ceux qui n'apporterotn dans la porvince que les connaissances qu'ils auront acquises. Vous me faites l'honneur de me demander en conséquence, Monsieur, de quelles exception et prérogatives on fera jouir ces artistes vétérinaires.[3]Pour répondre à cette question il me suffira de vous instruire de tout ce qui s'est passé jusqu'à présent.

1° S.M. sur les attestations des directeurs et professeurs des écoles accorde un Brevet aux élèves qui retournent chez eux. Lorsque ces attestations sont visées par moi, et je ne les vise qu'autant que j'ai jugé les sujets capables d'être utiles et de bien faire, car relativement aux autres ils partent sans obtenir cette faveur, quoiqu'à tous égards ils soient toujours plus éclairés que des maréchaux dénués de tous principes, ce brevet leur donne et leur confère le droit de travailler partout de leur art, car ils eût été absurde de soumettre à l'examen de maîtres ignares des gens éclairés et qui ont fait des études (sic: phrase de construction bizarre assez caractéristique du "style" de Bourgelat, pourtant chef de l'Académie de Lyon!).

2° Lorsque des élèves ont concouru à trois prix de pratique, l'un concernant la préparation des médicaments, l'autre la ferrure et le troisième les opérations, et qu'ils ont été mis sur les rangs à l'effet de tirer au sort les prix à adjuger, S.M. accorde aux uns une médaille d'argent et à celui qui a le mieux mérité une médaille d'or, en les autorisant à les porter toute leur vie à leurs boutonnières. Vous pensez bien, Monsieur, que ... cette distinction.

3° Les élèves dans les provinces qui ont été brevetés sont nommés de préférence garde-haras et jouissent de tous les privilèges attachés à cette commission. Cet avantage est utile à la chose-même, attendu qu'ils ont reçu dans les écoles des principes solides sur cette partie.

4° Dans certaines provinces, des villes principales se les ont attachés par des pensions. Ainsi, par exemple, M. Taboureau s'est ... Valenciennes du nommé Girard prêt à passer dans un régiment de cavalerie, en lui accordant 800 Livres de pension.

5° Dans d'autres, la Généralité a contribué à leur établissement en leur donnant une certaine somme une fois payée pour subvenir aux dépenses que ce même établissement pouvait leur occasionner.

6° Toutes les fois qu'il s'agit du traitement d'une maladie épidémique, les provinces les remboursent de leurs frais, attendu que la Généralité entière est intéressée à ce que la contagion ne la ravage pas. MM. les intendants me font l'honneur de m'envoyer les états (états de frais) présentés par eux. Ils sont obligés de me faire passer de leur côté l'histoire de la maladie et du traitement, après quoi je ...[5] ou diminue ce qui me parît excessif et j'arrête ces mêmes états. En ce qui concerne les maladies particulières, c'est à eux à se faire payer par les propriétaires.
 

Voilà, Monsieur, tout ce que je peux répondre à ce que vous me faîtes l'honneur de me demander. J'espère que vous aurez lieu d'être satisfait d'Augis et Le Boucher. Ils travaillent avec ardeur et s'efforcent de mettre à profit le temps que vous avez bien voulu leur accorder encore.
 

Je suis avec respect,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur
 

Bourgelat