Mis en ligne le 4/12/2019
https://blog.xn--archsantanimcomp-iqb.com/2019/12/synthese-conceptions-sur-la-police.html
Thème: Un manuscrit inédit de Claude Bourgelat.
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Thème: Un manuscrit inédit de Claude Bourgelat.
Le Projet
d’Arrêt du Conseil d’État de C. Bourgelat sur la police sanitaire de
la peste bovine date de la fin de 1776. L’analyse de ce projet montre qu’à
cette date Bourgelat était totalement converti à la doctrine de l’abattage
par troupeau, incluant à la fois les bovins malades et ceux d’apparence saine
en contact avec eux (voir mon analyse détaillée du manuscrit). L’objectif de
cette note est de repérer, dans les écrits antérieurs de Bourgelat, le moment
où s’est effectuée cette inflexion déterminante et de comparer l’évolution de
ses conceptions en la matière à celles de l’autre acteur majeur que fut dans
la même période Félix Vicq d’Azyr, commissaire du roi pour l’épizootie du
Sud-Ouest. Pour ce faire, j’analyse
ici les deux ouvrages majeurs de ces deux protagonistes dans la période
1775-1776, à savoir pour Bourgelat le Mémoire
sur les maladies contagieuses du bétail et le Sommaire
de ce mémoire, publiés en 1775 ; et pour Vicq
d’Azyr l’Exposé
des moyens préservatifs et curatifs qui peuvent être employés contre les
maladies pestilentielles des bêtes à cornes, qui date de 1776.
L’inflexion
majeure des conceptions se produit durant l’année 1775, sans doute en fin
d’année, sous le double effet du retour d’expérience de l’épizootie du
Sud-Ouest (voir mon point
bibliographique sur ce sujet) et de l’influence exercée par le gouverneur
de Bruxelles de De Berg. Cette inflexion vers l’abattage par troupeau,
incluant donc les animaux malades et ceux avec lesquels ils ont communiqué,
concerne aussi bien Vicq d’Azyr que Bourgelat. Mais elle n’apparaît pas
clairement dans le Mémoire de Bourgelat car il fut probablement écrit
au début de l’année 1775, comme le montre sa méconnaissance, au moment de la
rédaction, du mémoire et de l’argumentaire de De Berg. Elle sera en revanche
nettement exprimée dans son projet d’arrêt du conseil qui date de la fin de
1776.
Ce
qui rassemble également Bourgelat et Vicq d’Azyr c’est leur difficulté
commune à se dégager, dans un premier temps au moins, des vieilles habitudes
de l’art médical consistant à préconiser les recettes traditionnelles
de cure et de préservation. La longueur interminable de la
première partie de l’Exposé des moyens en témoigne, de même que le
long développement que Bourgelat consacre dans son Mémoire aux moyens
préservatifs pour les animaux sains au contact des malades ! On sent que
cette remise en question fut très difficile et on peut en effet imaginer le
professeur Bourgelat devant ses élèves de l’école vétérinaire résigné à leur
annoncer que leur art tant vanté ne leur était d’aucune utilité en la
circonstance.
Pourtant
des différences sont perceptibles entre eux si l’on compare les textes
analysés. Non pas tant au niveau des principes, comme je viens de le
souligner, qu’à celui de l’application.
La comparaison de leurs programmes, en douze points pour Bourgelat
dans le Mémoire et en 25 articles pour Vicq d’Azyr dans le Plan de
conduite, est édifiante à cet égard. Vicq d’Azyr est animé du souci
d’acceptabilité par les propriétaires d’animaux des mesures rigoureuses qui
leur sont imposées, tandis que Bourgelat, ne croyant ni à leur bonne volonté
ni à leur intelligence ni à leur honnêteté, est partisan d’une politique
répressive. Cette forme d’esprit
particulière à Bourgelat sera renforcée dans son projet d’arrêt du conseil et
lui vaudra, comme nous le verrons, des commentaires acerbes de la part de ses
pairs.
Une
autre différence mérite d’être notée, même si elle est plus diffuse dans les
textes et moins nettement exprimée. Elle concerne leur perception
respective sur la capacité de l’état à faire appliquer la loi sanitaire, du
double point de vue de la chaîne de commandement et des moyens à mettre en
œuvre. Vicq d’Azyr semble dubitatif et ce doute peut s’expliquer par son
expérience du terrain dans le Sud-Ouest (voir mon point bibliographique sur la
gestion de l’épizootie du Sud-Ouest). Bourgelat se place ici à un plan
purement théorique, sans nuance, probablement irréaliste pour l’époque,
convaincu que l’état peut et doit exercer son autorité, y compris en
réprimant sans faiblesse les particuliers. On est en droit de penser que Vicq
d’Azyr n’a pas trop insisté auprès du Contrôleur-Général pour que l’abattage
systématique par troupeau soit transcrit dans la loi française. Il croyait
sans aucun doute à l’excellence du principe mais doutait probablement de la
capacité de l’administration à le mettre en œuvre partout et de la bonne
manière.
Subsidiairement,
ces textes nous permettent de rejeter l’hypothèse d’un antagonisme personnel
(ou institutionnel) entre Bourgelat et Vicq d’Azyr jusqu’au début de 1776 au
moins. Dans les textes de Vicq d’Azyr, la participation des élèves
vétérinaires à la lutte contre la peste bovine est indiquée à maints endroits
et leur compétence n’est jamais mise en doute. De même Bourgelat est cité à
plusieurs reprises dans l’Exposé des moyens : d’une part dans la
partie 1 (moyens curatifs) pour telle ou telle de ses préconisations
antérieures et d’autre part dans la partie 2 pour le Mémoire et sa
proposition d’abattage des malades, validée par les plus grands médecins du
Royaume. Ce sera donc de mauvaise foi, ou parce qu’il n’a pas lu
attentivement l’Exposé des moyens, que Bourgelat affirmera dans le
préambule du projet d’arrêt du conseil qu’il a été ignoré par son collègue.
J’aurai l’occasion de revenir sur les points de dissension entre les deux
hommes à l’occasion de l’analyse des commentaires de la Société Royale de
Médecine sur le projet de Bourgelat.
Voici mon analyse détaillée: |