ANNEXE 3 : BLANCHARD A L’EXPOSITION COLONIALE DE MARSEILLE de 1906


L’exposition coloniale de Marseille de 1906 consacre la place centrale de la ville dans l’essor de l’empire colonial français et son rôle majeur dans le développement des sciences coloniales, notamment dans le domaine agricole. Ses deux principaux artisans sont l’industriel et homme politique Jules Charles-Roux (1841-1918) et surtout le médecin, botaniste et voyageur Edouard Heckel (1843-1916), professeur de pharmacie à l’école de médecine, responsable du jardin botanique et créateur du Musée et de l’Institut Colonial de Marseille. L’exposition coloniale est l’apogée de sa carrière : elle se déploie sur 45 ha et accueillera près de 2 millions de visiteurs. Le congrès fait le point sur l’avancement de toutes les sciences coloniales et la médecine y est particulièrement bien représentée comme le montre le rapport édité à cette occasion. Blanchard y assista (voir ci-après) en tant que président de la 7è section (médecine et hygiène) et pour présenter en personne l’ICP.

Couverture de la Dépêche coloniale



RAPPORT DE BLANCHARD 1

« L’Institut de médecine coloniale de Paris ne figurait pas à l’Exposition de Marseille en nom collectif; il était représenté, à litre personnel, par son fondateur, c’est-à dire par M. le professeur Blanchard, directeur du laboratoire de parasitologie de la Faculté de médecine de Paris. Une part considérable de l’enseignement donné aux médecins coloniaux se fait dans ce laboratoire ; voyons donc ce qu’il exposait et en quoi consiste son organisation ; nous comprendrons l'importance, la précision et la vitalité de l’enseignement qui y est donné, ainsi que les ressources exceptionnelles qu’il présente à ses élèves.

L’exposition du laboratoire de parasitologie comprenait les objets suivants :

1° Huit grandes Encadrés murales en couleur, comme spécimen de celles qui, à chaque leçon ou démonstration pratique, sont placées sous les yeux des élèves. Le laboratoire possède actuellement 775 Encadrés de ce genre, pour la plupart d’une aussi remarquable exécution, et le nombre s’en accroit constamment. Il n’est pas un seul parasite, animal, champignon ou microbe, qui ne soit ainsi représenté sous tous les aspects de son évolution ou dans les lésions qu’il détermine.

Dans le même ordre d’idées, le laboratoire dispose également de 591 projections sur verre, et leur nombre va sans cesse en augmentant.
Toutes les Encadrés murales sont faites au laboratoire, sous la direction du professeur ; il en est de même pour la plupart des clichés à projections ;

2° Divers cadres contenant le groupe photographique des élèves des différentes sessions de l’Institut de médecine coloniale ;

3° Un cadre renfermant une photogravure commémorative d’un voyage fait par les élèves de la deuxième session, sous la conduite de M. Blanchard, dans le but de visiter l’École de médecine tropicale de Londres. Cette gravure est la reproduction d’une très belle aquarelle faite par MM. Sambon et Terzi, l’un professeur et l’autre dessinateur à l’École de Londres2 ;

4° Un cadre contenant le programme et l’horaire des cours et des travaux pratiques de l’Institut de médecine tropicale ;

5° Un cadre contenant, à titre de spécimen, une feuille de présence des élèves au cours de parasitologie.

Aux murs étaient encore accrochés d’autres cadres ; il en sera question plus loin.

La vitrine réservée à l’Institut de médecine coloniale de Paris comprenait d’une part des préparations et collections, d’autre part des ouvrages imprimés dont voici l’indication sommaire.

Préparations et collections. — Ces pièces n’étaient exposées qu’à litre de spécimens prélevés au hasard parmi les très importantes collections du laboratoire. On y distinguait :

1° Un carton contenant une belle série de Tsétsés (Glossina) et autres Diptères suceurs de sang de l’Afrique tropicale.

Le laboratoire possède, dans cet ordre d’idées, des collections déjà très riches et qui vont chaque jour en s’enrichissant encore. L’importance des insectes suceurs de sang devient capitale en médecine des pays chauds ; on ne saurait donc trop approuver le soin que M. Blanchard donne à la constitution de semblables collections qui, bien déterminées, sont appelées à rendre aux médecins coloniaux les plus grands services ;

2° Un lot de Stegomyia calopus provenant de localités très diverses.

L’animal désigné sous ce nom est le moustique propagateur de la fièvre jaune. Il existe dans un très grand nombre de pays, même là où la fièvre jaune n’a encore jamais été constatée ; cette terrible maladie est donc capable de s’y répandre et, dès lors, il est de la plus haute importance pour le médecin colonial de bien connaître le redoutable insecte dont il s’agit.

Celui-ci était présenté comme spécimen de la riche collection de Moustiques, incontestablement la plus riche en Europe continentale, qui a été constituée par M. Blanchard et qui lui a fourni une partie des éléments de son grand ouvrage, aujourd’hui classique : Les Moustiques, histoire naturelle et médicale ; 3° Un fragment de foie d’Annamite parasité par Opisthoschis sinensis et ayant subi, du fait de ce parasite, des lésions très profondes ;

4° Des Opisthoschis sinensis extraits du foie précédent. Il en contenait, sans aucune exagération, beaucoup plus de dix mille. Ces parasites sont très fréquents en Extrême-Orient et causent une mortalité très élevée ;

5° Une Filaria medinensis et une série d’autres parasites ou de pièces anatomo-pathologiques concernant les maladies parasitaires des pays chauds ;

6° Un assez grand nombre de préparations microscopiques relatives aux mêmes maladies, notamment à la maladie du sommeil, à la bilharziose, à la filariose, au mycétome, etc.

Ces collections comprennent à ce jour 1.128 pièces diverses, dûment déterminées et cataloguées en triple (un livre d’entrée et deux systèmes de fiches).

Sur ce nombre considérable, 903 pièces appartiennent à la collection R. Blanchard ; les 225 autres se répartissent entre le vieux fond de la Faculté (85) et les collections Davaine (112) et Laboulbène (28).

Quelque élevé qu’il puisse paraître, ce chiffre ne comprend pas un très grand nombre de pièces récentes ou non encore déterminées et, par conséquent, non cataloguées. Il ne comprend pas non plus la collection Mégnin, qui vient d’être acquise tout récemment par le laboratoire et qui va lui apporter de très précieuses additions.

Il est bon d’ajouter que les 1.128 pièces susdites ne comprennent, saut de très rares exceptions, ni les acariens, ni les insectes quelconques (Moustiques, Tabanides, Æstrides, Hémiptères, etc.) dont le laboratoire de parasitologie possède, nous l’avons déjà dit, de très belles séries. »

Le laboratoire de parasitologie est donc en possession de collections considérables, qui servent à l’enseignement, et sont mises à la disposition des élèves. Ceux-ci trouvent là, au point de vue spécial de la parasitologie, des moyens de travail et d’étude vraiment incomparables.

Ouvrages imprimés. — Les importants ouvrages exposés par M. Blanchard méritent de nous arrêter ; de natures très diverses, ils témoignent d’une ligne de conduite générale et d’un but poursuivi avec persévérance. Voici d’abord des articles parus dans le Progrès Médical, en 1900 et 1901, attirant pour la première lois 1 attention du monde médical sur l’utilité de créer en France, au profit des médecins civils, un enseignement de la médecine des pays chauds.

Voici ensuite une brochure anonyme, mais écrite en entier par M. Blanchard, et publiée sous le couvert de l’Union coloniale française, dans le but de créer un mouvement d’opinion en faveur de la création d’un Institut de médecine coloniale à Paris. Cette brochure lut répandue à un très grand nombre d’exemplaires, mais la souscription projetée ne donna que des résultats très insuffisants. Par suite de cet échec de la souscription publique, M. Blanchard poursuivit seul son but, et il fut assez heureux pour le mener à sa réalisation finale, par des moyens dont nous rendent compte deux autres brochures.

En outre de la convention passée avec l’Association des Dames françaises, comme il a été dit plus haut, il est juste de dire ici quel appui précieux l’Institut en formation a trouvé auprès de M. Doumer, alors gouverneur général de l’Indochine. Avec une générosité et une perspicacité auxquelles on ne saurait trop rendre hommage, M. Doumer comprit dans quelle mesure l’Institut pouvait aider à la création on au développement des organisations médicales civiles dans nos diverses colonies, et il l’inscrivit au budget de l’Indochine pour une somme de 30.000 francs. Son successeur a tenu à honneur de maintenir cette subvention.

Signalons encore, d’une façon toute spéciale, les Archives de Parasitologie, fondées et publiées par M. Blanchard. Ce périodique paraît depuis 1898, par volumes grand in-8° de 640 pages avec un très grand nombre de Encadrés et de figures dans le texte ; il traite des questions les plus diverses, relatives aux maladies parasitaires. Dans le but de faire de ces Archives l’organe central des parasitologues et de leur assurer en même temps un caractère hautement scientifique, le professeur de Paris ne publie que des mémoires originaux, écrits dans l’une des cinq langues suivantes : allemand, anglais, espagnol, français et italien. Ses connaissances linguistiques étendues lui permettent de diriger avec succès un périodique aussi spécial. Le dixième volume est en cours de publication.

Nous avons eu sons les yeux la collection complète et nous louons fort sa haute tenue scientifique, qui s’allie sans peine à une forme artistique bien rare dans une publication de ce genre. Dans un gros volume in-8° de plus de 750 pages, Les Moustiques, histoire naturelle et médicale, M. Blanchard donne une description complète et précise de tous les moustiques connus, de leurs mœurs et de leurs métamorphoses. Il consacre à leur étude médicale des chapitres très intéressants ; le rôle de ces insectes dans la propagation du paludisme, de la fièvre jaune, de la filariose, etc., est exposé de façon magistrale, ainsi que les moyens prophylactiques qui découlent des notions actuelles. Un tel livre est destiné à rendre les plus grands services dans les pays chauds.

Le compte-rendu de la section de médecine et d’hygiène du Congrès colonial de 1900 renferme les travaux de la 7e section (médecine et hygiène), dont M. le professeur Blanchard est président. Publié par ses soins, ce volume témoigne assez hautement de l’importance des travaux présentés à cette section. Au dernier Congrès (juin 1906), la section d’hygiène et de prophylaxie, puis celle de pharmacie et de matière médicale ont demandé spontanément à être réunies à la section de médecine et d’hygiène qui centralisera désormais toutes les questions afférentes aux sciences médicales. »


Le palais de Madagascar à l’exposition coloniale de Marseille de 1906






1 HECKEL et MANDINE (1907) Ibid. pp. 154-158. On notera que dans ce rapport, Blanchard ne retient des activités de l’IMC que ce qui le concerne plus directement.

2 Cette aquarelle n’a pas pu être retrouvée. Dans une information figurant dans le Vol IX des Archives de parasitologie de 1905 (p. 636) elle est annoncée comme planche à la fin du même numéro mais cette planche n’y figure pas en fait. Voici à défaut la description de l’aquarelle accompagnant la présentation : « Nous avons déjà rendu compte (Archives, VIII, 630) de cette visite. Au cours du banquet, le Dr L. W. SAMBON a offert à M. le Professeur R. BLANCHARD une très belle aquarelle dont nous donnons la reproduction en gravure (pl. IV). Cette œuvre d'art, est due au très habile pinceau de MM. SAMBON et TERZI ; elle est très intéressante, en raison des personnages d'une parfaite ressemblance qui s'y trouvent représentés. Un groupe de quatre musiciens attend les navigateurs français : on y reconnait sir Patrick MANSON, en costume de mandarin; M. J. CANTLIE, directeur du Journal of tropical Medicine, en costume de highlander, se disposant à souffler dans sa cornemuse; le D' Low, en costume de sauvage armé d'un vaste bouclier et de deux sagaies, tout en s'apprêtant à jouer du triangle; le D' L. W. SAMBON, docteur de l'Université de Naples, en costume de pifferaro, le tromblon tout armé, interrogeant l'horizon et tout prêt à faire sa partie de grosse caisse dans le concert. Derrière, on devine un groupe d'étudiants qui viennent d'interrompre leur partie de tennis et agitent leurs chapeaux pour saluer les voyageurs. Ceux-ci vont bientôt aborder : au premier plan se voit le professeur R. BLANCHARD. Une tente a été dressée sur le rivage ; elle porte des guirlandes de lanternes vénitiennes ; le sol est recouvert du drapeau britannique. »